Noël autrement ?

Souvenons-nous que dans certaines cultures européennes, le père Noël était vert… en découvrant ou re-découvrant des options pour un Noël différent.

Noël est, dans la réalité crue de notre société, une grande fête commerciale qui apporte un peu de lumière – et beaucoup de dépenses – dans nos hivers froids et sombres. Pour les chrétiens, tenter de retrouver dans tout cela le sens théologique et spirituel de la fête de la Nativité relève parfois de la gageure. Mais ce n’est pas parce que c’est difficile, qu’il ne faut pas essayer ! Et même plus : c’est parce que c’est difficile qu’il faut parfois commencer par de petits pas. Nous passons donc en revue ici ce qu’il nous semble pertinent de questionner, et suggérons des alternatives pour fêter Noël un peu, beaucoup, ou vraiment autrement.

Le sapin : naturel ou pas ? Coupé, ou en pot ?

Faut-il remettre en cause les sapins de Noël naturels, coupés pour être exposés 15 jours dans nos salons puis jetés comme des produits de fast-consommation banals ? Faut-il renoncer aux sapins de Noël pour protéger la planète ? Une étude danoise a montré que, dans ce pays, l’impact climatique d’un sapin de Noël est en moyenne équivalent à celui d’un trajet de 20 km en voiture, et que ce qui pèse le plus lourd dans son bilan carbone (C) est… le trajet en voiture pour aller l’acheter ! Garder un sapin naturel peut donc s’envisager, parce que mettre du végétal dans la maison, c’est bon pour la reconnexion à la nature, et donc globalement bon pour la planète. Toutefois, comme la culture intensive du sapin – comme bien d’autres cultures intensives – provoque un appauvrissement des sols, on choisira de préférence un producteur de sapins certifié « Plante bleue », pour s’assurer de pratiques de production écoresponsables.

 

On peut aussi choisir un sapin de Noël en pot, si on a la chance de savoir où lui faire passer le reste de l’année. Certains professionnels proposent même des sapins en locations qui seront replantés dans de bonnes conditions jusqu’à l’année suivante ; mais le bilan C ne sera pas forcément meilleur – à cause des transports. On peut aussi fabriquer un sapin de Noël en carton ou en bois (de récupération, bien sûr !) ce dernier ayant le grand mérite d’être réutilisable et pouvant être agrémenté de lierre, de houx, ou même de quelques branches de sapin naturel (ce qui évite de couper tout un arbre). En tout état de cause, le sapin de Noël en plastique n’est rentable du point de vue du bilan C que s’il est conservé plus de 20 ans. Mais surtout il restera toujours du plastique à éliminer en fin de vie, alors que le sapin naturel se composte, ce qui est la meilleure option possible pour stocker du carbone.

Les décorations

Une fois réglée la question du sapin, qu’allons-nous mettre dessus, sur le manteau de cheminée, dans l’entrée, sur la porte ? Une guirlande électrique made in Bout-du-monde et des boules en plastique ? Ou bien des boules en papier mâché ou en verre soufflé, des décorations avec des bâtons de cannelle, des pommes de pin, des tranches d’oranges séchées, des noix… Le web regorge d’idées de décors en matériaux naturels. Pourquoi ne pas se fixer comme objectif de réaliser une décoration par jour pendant l’Avent ? On peut aussi utiliser les vignettes détachables du livre 24 jours vers Noël… Un arbre de Jessé à vivre en famille, proposé cette année par le service national de catéchèse de l’EPUdF.

 

Les cadeaux

Difficile d’abolir complètement les cadeaux de Noël ! Les anthropologues soulignent qu’ils matérialisent la relation sociale. Mais on peut les réorienter, en les choisissant solidaires, par exemple dans les boutiques des associations d’entraide telles que la Cimade, dans les magasins (réels ou en ligne) de produits monastiques, lors des ventes des marchés de Noël de nos paroisses et Eglises locales…

 

Les plus doux cadeaux sont souvent home-made : pâtisseries et bredeles, confitures (qui se préparent l’été) ; petits objets, bijoux ou tricots faits main ; déguisements cousus sur-mesure pour les enfants ; bougies ; photos de famille dans un cadre décoré avec soin ; lettre de reconnaissance…  Pas le temps de les faire soi-même ? Probablement, si l’on s’y prend le 1er décembre ! Mais si on y pensait dès maintenant pour l’an prochain ?

 

A défaut, on choisira bien entendu parmi les cadeaux durables : de seconde main (ressourceries, recycleries, brocantes…), porteurs de sens (Bible, livret de méditations bibliques, abonnement à une revue chrétienne, artistique ou naturaliste…), immatériels (une place de concert ou de théâtre, un abonnement ou un stage pour une activité sportive ou artistique…) Dans certaines familles, on fait un cadeau à une seule personne par an, tirée au sort, ou encore on se cotise au profit d’une association ou œuvre caritative choisie tous ensemble. Voilà qui commencerait à nous réorienter vers une fête beaucoup plus spirituelle !

Et tous ces cadeaux, faut-il vraiment les emballer dans des papiers qui seront aussitôt jetés ? Cela ne demande pas un gros effort de passer aux sacs en tissu réutilisables (tote bags, furoshiki…), ou si l’on a l’esprit créatif et un peu de temps, de peindre soi-même des papiers de récupération.

Les repas de fête

Ah… ! les repas des fêtes de fin d’année… Quel souci pour celles et ceux qui reçoivent ! Que de dépenses, que d’excès parfois… Est-ce que le plus important n’est pas d’être tous ensemble, quel que soit le menu ? Mais pour autant, faut-il renoncer à se faire plaisir ? Tout est une question de justesse. Alors cuisinons, mais cuisinons autant que possible « maison »  en privilégiant les produits locaux et de saison et en réduisant-  voire évitant – les produits venant de loin comme les fruits exotiques ou certains fruits de mer. Pensons aux marrons, aux noix, aux légumes d’hiver, aux légumineuses, aux champignons… Si vous n’êtes pas végétarien, choisissez votre viande avec soin (conditions d’élevage, provenance, abattage). Quant au foie gras, la version sans souffrance animale n’existe pas encore, même si des travaux de recherche vont dans ce sens. 

 

Pour que chacun profite vraiment de ce moment de convivialité, il est important de prendre soin de ses invités en respectant la diversité de leurs croyances, principes ou contraintes sanitaires. Certains repas de fête peuvent tourner au calvaire pour les diabétiques, les insuffisants rénaux ou les personnes ayant des allergies alimentaires. Au moins, avec le « fait maison », vous saurez répondre à leurs interrogations angoissées sur la composition de tel ou tel plat.

 

Sans être nécessairement banni, l’alcool sera servi avec modération car il n’est bon ni pour la santé des convives, ni pour celle de la planète. Des boissons non alcoolisées de bonne qualité, proposées en alternative, éviteront de biaiser le « choix » entre un excellent vin et un discutable nectar de fruits 1er prix !

Les vêtements de fête

Et comment va-t-on s’habiller ? En courant acheter une nouvelle tenue fast fashion, ou bien en accessoirisant de façon originale une tenue de base et de bonne qualité, qui durera longtemps ? Ou avec une tenue de seconde main ? Ou avec une tenue cousue, tissée ou tricotée par ses propres soins ?

 

Pour les personnes qui se maquillent, les fêtes seront peut-être l’occasion de tester des produits de maquillage naturels et bio. On en trouve de plus en plus facilement, même si l’emballage plastique reste encore souvent difficile à éliminer. Mais le pouvoir d’achat oriente le marché…

Un détail qui n'en est pas un : les trajets

Se réunir, oui, mais attention au choix des modes de déplacement ! Les transports sont le 1er poste d’émissions de gaz à effet de serre (GES) pour les français, et le poids environnemental majeur de nos fêtes. Le mot d’ordre devrait être de voyager moins souvent et… pour plus longtemps. Chaque année, aller passer Noël chez un être cher différent, plutôt que courir un marathon épuisant pour tous – nous et la création – pour « voir tout le monde ».

 

Lorsque le train, option de loin la plus écologique, n’est pas envisageable, on peut opter pour le co-voiturage familial. Et bien sûr, celui qui conduit, c’est celui qui ne boit pas.

Remettre de la spiritualité dans la fête ?

Voilà qui est parfois plus facile à dire qu’à faire ! Il faut bien sûr s’adapter au contexte familial, mais on peut, sur une échelle de progressivité, aller de la simple musique d’ambiance avec des chants religieux (c’est déjà ça…) à la participation en famille à la célébration du 24 ou du 25 décembre.

 

Entre les deux, on peut proposer de prendre simplement un moment pour relire l’histoire de la Nativité, ou bien partager un conte biblique de Noël (ou de l’Épiphanie). On en trouvera par exemple dans le nouveau recueil de contes de Noël d’Isabelle Gerber, dans les podcasts des contes inspirés du livret des diaconesses de Reuilly La nuit de Noël, j’étais là et dans ceux des contes de l’association œcuménique « Chacun.e raconte – La Bible n’est pas un conte mais se raconte » proposés dans 24 jours vers Noël… Un arbre de Jessé à vivre en famille, ou encore dans les ressources du réseau Espérer pour le vivant qui propose cette année deux contes de Noël « écolo » d’Hélène Bourdel. La célèbre Pastorale des santons de Provence, héritière des « Mystères » médiévaux, est aussi un joli conte de Noël qui parle avec tendresse et humour de l’amour de Dieu, aux jeunes comme aux moins jeunes.

 

On peut aussi partir du sapin de Noël et proposer des jeux sur les arbres dans la Bible, ou dans les religions en général. On peut encore monter une crèche à partir des jeux et personnages apportés par toute la famille pour le jour de la rencontre familiale. Les débats sur la place des animaux sont quasi garantis ! 

 

Bien sûr, tout cela sera plus aisé à proposer le jour de Noël si toute la période de l’Avent a été vécue dans une perspective spirituelle : l’esprit dans lequel on se place dans l’attente de la fête définit aussi la manière dont on va la vivre.  C’est le rôle des calendriers de l’Avent chrétiens, comme celui de l’arbre de Jessé, ou des ressources du projet suisse Avent_Autrement, calendriers que l’on préfèrera à des propositions commerciales pleines de chocolats pas équitables ou de petits objets en plastique ! On peut aller encore un pas plus loin et, en famille, faire un calendrier de l’Avent inversé. La recette en est simple : mettre dans un bac un objet par jour, pour offrir l’ensemble à Noël à quelqu’un ou à une association s’occupant de personnes défavorisées.

En conclusion

A Noël, ce qui pèse le plus sur la création, c’est certainement ce que l’on met sous le sapin et sur la table, plus que le sapin lui-même ! Quant aux autres éléments de la fête, certes des changements de mode de vie radicaux sont nécessaires ; mais la cohérence et l’amour du prochain le sont aussi. Alors faisons déjà ce qui est possible pour témoigner que l’on peut vivre Noël autrement, et poursuivons cet effort durant les 364 (voire 365) autres jours de l’année.

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